Sortie chez Catalunya Soul – Melmax Music le 28 mai 2021
Avec Raph Dumas, on ne sait plus où donner de la tête ! Réalisateur (Pascal Comelade, The Limiñanas), compositeur et artiste à l’imposante discographie, DJ et remixeur à ses heures… son activisme musical pourrait déjà remplir plusieurs vies ! Depuis des années, il sample et remixe des cobla sur des microsillons. C’est sa signature en fin de set. La Catalogne est autant présente dans les racines du DJ que dans son quotidien. Les orchestres traditionnels à 11 musiciens et les danseurs de Sardane sur les places des villages se mêlent à la culture des platines. C’est le projet de Coblism : revisiter le répertoire de la prestigieuse Cobla Sant Jordi de la Ciutat de Barcelone à renforts d’électro. Une manière pour ces virtuoses de quitter une certaine routine en apportant une lecture nouvelle à des oeuvres ancestrales. C’est un succès au rayonnement international, porté par plusieurs concerts en France et en Catalogne, mais également sur les sols belges, italiens et américains.
En 2018, Perpignan est annoncée comme la prochaine capitale mondiale de la Sardane. L’idée d’un Coblism 2.0 germe alors dans la tête de Raph Dumas. Et si le processus s’inversait ? Voilà que le DJ compose de l’électro destinée à être interprétée par les barcelonais de la Cobla Sant Jordi.
Le rendu est organique. Une nouvelle approche aux structures radicalement différentes des thèmes traditionnels. Si la modernité portait le folklorique dans le premier volet, l’ancien sera désormais en charge de soutenir la musique actuelle.
On retrouve dans cet album l’engagement de la Cobla Sant Jordi à promouvoir les sonorités émergentes. Un voyage au-delà des générations et des frontières. Coblism 2.0 propose une oeuvre mature, fondée sur les liens entre ses douze musiciens, renforcés par les tournées. La puissance de cette cohésion humaine nous guide dans un album qui s’amuse à confondre nos repères. C’est là le résultat d’un mixage aussi maîtrisé que les instruments présents. Car les jeux de stéréo, de résonances et de compression ajoutent à l’ensemble une dimension de grandiose, proche de la composition cinématographique. Fusion de genres, d’identités, d’expériences et de talents, c’est un portrait fidèle de la relation de la Catalogne à l’Europe à un moment clé de son histoire. Tandis que les titres de ses différentes pièces traduisent un contexte de tension, Coblism 2.0 nous fait démonstration d’une collaboration multiculturelle des plus positives.
Raph Dumas se confronte au temps dans ce nouvel opus. La réunion des deux styles, éloignés par les années, révèle une mixité insoupçonnée. Des montées de cuivres dans
Ones De Wax, dignes d’Ennio Morricone, nous suivons la basse entêtante d’Extrema Tension al Casino de Canet.
Nous voilà pris par le rythme galopant de Peplum Mediterrani, semblant tout droit sorti d’une bande-son de Tarantino. Une course effrénée qui prend une pause pour admirer un Brie Sunset, morceau repris du premier album où se fait sentir une influence de jazz new-yorkais. Discrètement, une touche de ska nous surprend dans le contretemps percussif de Soul del Mono, comme pour annoncer les fanfares de La Pubilla Empordanesa, reprise d’un traditionnel bien connu de la Cobla Sant Jordi, agrémentée d’une touche synthétique et empruntant quelques dissonances à Gerschwin. Soudain, notre rythme cardiaque s’accélère aux battements des tambours d’
I Love You Two et sa surprenante pointe de mambo. Sans nous en rendre compte, le DJ nous ramène alors à ses fondamentaux, par la progression techno de Port-Bou, juste avant un rappel du premier titre en outro. La boucle est bouclée. En un mariage de deux genres, que nous croyions connaître, nous avons traversé plus de 200 ans de musique.
Coblism 2.0 est une ouverture franco-catalane au reste du monde.
On y perçoit autant de paysages que d’atmosphères, tant la musique et les titres s’inspirent de lieux bien précis : d’une station balnéaire du Roussillon aux plaines frontalières de Figueras. Raph Dumas est un passeur. Cet album est un pied de nez à ceux qui associent « tradition » avec « ennui ». Une musique endémique aux échos singuliers.
Une transmission ; quoi de plus logique de la part de celui qui fut le premier DJ à enseigner l’art du turntablism en conservatoire ?
L’objectif ultime reste que ces morceaux soient aussi bien joués par les orchestres traditionnels sur les places des fêtes dans les villages du Sud, que derrière les platines des dancefloors les plus éclectiques.
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